J1. Introduction des Journées EVEille 2023 : « Numesthésie. L'écran pour saisir le sensible ? »
- Digitaliser la réalité.
Ouverture par Régine BATTISTON (Université de Haute-Alsace), Marine PARRA (Université d'Utrecht), Benoît ROUX (Université de Rouen-Normandie) et Anne RÉACH-NGÔ (Université de Haute-Alsace).
Le thème sélectionné cette année est la notion de numesthésie : c'est un néologisme né de la contraction de « numérique » et du terme grec « aisthesis » qui désigne l’appréhension par la perception de l’intellect et des sens. A l'origine de ce sujet se trouve une réelle curiosité pour un ensemble d'actions et d'étapes la plupart du temps invisibles, qui pourtant, impactent de multiples façons la recherche et les corpus étudiés.
La question abordée est celle du contact et de la manière pratique d'interagir avec le sujet de recherche : interrogation des régimes de sensorialité qui interviennent dans la communication numérique de l'objet scientifique, culturel et patrimonial. Le premier geste qui nous mène vers ce chemin est le fait de digitaliser la réalité.
La numérisation n'est que l'étape d'un processus toujours en cours : c'est la séparation d'un chercheur et de la matière première sur l'objet de sa recherche. Pour la première fois, la représentation prétend à l'objectivité absolue : c'est l'horizon d'attente après plus d'un siècle de progrès scientifique.
« Une fois téléchargés, ces fichiers peuvent être consultés à l'écran ou imprimés pour tout ou partie. Inédite possibilité que celle d'obtenir le fac-similé complet d'un ouvrage ancien de 425 pages en moins d'un quart d'heure, depuis son bureau, à n'importe quelle heure du jour et de la nuit, sans débourser d'autre frais que ceux qu'impliquent l'impression sur une imprimante personnelle. Il s'agit d'une véritable révolution dont il faut prendre la mesure et qu'il faut encourager... »
Il y a toute une question de l'accès à l'oeuvre et aux conditions de sa médiation.
La Vie sensible d'Emanuele Coccia est une réflexion sur le sensible comme découverte du monde. Tout accès à la réalité engage une médiation, celle de la réception de la réalité par un individu puis par la manière dont il va transmettre cette perception. C'est une numérisation de la réalité. Il y a une responsabilité de l'objet scientifique dès son appréhension, un contact que l'on a à l'oeuvre par le biais de ce procédé, l'impact du processus de numérisation sur l'objet examiné.
La Numérisation du monde : un désastre écologique, de Fabrice Flipo, pose la question de la numérisation en matière d'impact. C'est aussi poser la question de ce que cela représente comme geste à l'intérieur d'un ensemble, d'un écosystème de construction des savoirs... Rappeler l'impact et donc la responsabilité de la numérisation, c'est une manière de montrer que numériser c'est faire des choix qui nécessitent d'interroger les fonctions et les apports de cette opération de numérisation... Que numériser ? Pour quel accès ? A quel coût ? Pour quelle relation nouvelle (avec l'objet patrimonial et culturel...) ?
Il faut penser à l'enjeu de l'impact sur les procédés intellectuels : le rôle de la numérisation dans la construction des savoirs, dans l'ancrage de ces dispositifs de communication au sein des dispositifs intellectuels et sensibles qui étaient les nôtres avant cette omniprésence de la communication numérique. Il faut penser à cet impact de la communication numérique.
L'Économie de l'attention : nouvel horizon du capitalisme ? par Yves Citton aborde comment la médiation de la réalité par le numérique épuise des ressources (cognitives et mentales) limitées.
Mais la numérisation n'aboutit pas forcément à une perte de contact : c'est l'une des problématiques qu'aborde Matthew Crawford dans son oeuvre Contact : pourquoi nous avons perdu le monde, et comment le retrouver.
L'élaboration de la pensée passe par un rapport à la matière, à la manipulation, l'échange. Il faut un contact avec le sensible et un impact sur le sensible.
Cette première journée cherche à mettre l'accent sur les formes de cognitions incarnées que peuvent mettre en oeuvre les dispositifs numériques, à condition qu'ils soient eux-mêmes pris comme objet d'observation et qu'ils soient intégrés à l'analyse de l'objet sensible auquel ils donnent accès.
Ouvrages à consulter et références citées :
- DACOS, Marin. « Le numérique au secours du papier. L'avenir de l'information scientifique des historiens à l'heure des réseaux (1999) », Cahiers d'histoire [En ligne] >URL<.
- CITTON, Yves. L'Économie de l'attention : nouvel horizon du capitalisme ? Paris, Éditions La Découverte, 2014.
- COCCIA, Emmanuele, La Vie sensible, Paris, Éditions Payot et Rivages, 2018.
- CRAWFORD, Matthew. Contact : pourquoi nous avons perdu le monde, et comment le retrouver, Paris, Éditions La Découverte, 2019.
- DESMURGET, Michel. La fabrique du crétin digital : Les dangers des écrans pour nos enfants, Paris, Éditions SEUIL, 2019.
- FLIPO, Fabrice. La numérisation du monde: Un désastre écologique, Paris, Éditions L'Échappée, 2021.
- PATINO, Bruno. La civilisation du poisson rouge: Petit traité sur le marché de l'attention, Paris, Éditions Grasset, 2019.
Métadonnées, description et mise en ligne de la vidéo par Alicia Balasso
Tags: 2023 digitaliser la realite eveille j1 journees eveille 2023 numesthesie
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- April 20, 2023, 3:17 a.m.
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